Plus de dix ans après la plus grave crise financière de l’après-guerre, force est de constater que l’économie et le système financier mondial restent vulnérables. Certes, les arsenaux monétaires non conventionnels déployés massivement par les grandes banques centrales des pays développés ont été très utiles, mais cette stratégie offensive d’assouplissement quantitatif n’est pas dénuée de risques pour la finance et l’économie réelle. De fait, le Fonds Monétaire International (FMI) s’est inquiété, fin janvier, du ralentissement économique dans les pays avancés et en Chine, ainsi que de la forte volatilité des marchés boursiers. Plus récemment, l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques) a publié des chiffres sur l’endettement en constante augmentation. Ainsi, entre 2007 et 2018, le ratio de dette sur le PIB est passé de 49,5 % à 72,6 % dans les pays de l’OCDE. Les nouvelles émissions d’obligations souveraines dépasseront les 2 000 milliards cette année. En parallèle, la diminution des rachats d’actifs de la part des banques centrales devrait compliquer les conditions de financement des États. Du côté des entreprises, ce n’est guère mieux, étant donné leur profil de risque supérieur à celui des États. Ainsi, toujours d’après l’OCDE, l’encours mondial d’obligations émises par des sociétés non financières a atteint un nouveau record en tutoyant le seuil des 13 000 milliards de dollars à fin 2018. Et sur ce front-là, la situation est fragile à en croire l’institution multilatérale basée à Paris :
« La part des obligations de catégorie investissement de la qualité la plus faible s’établit à 54 %, ce qui représente un pic historique, et les droits des détenteurs d’obligations ont nettement diminué, ce qui pourrait amplifier les effets négatifs d’éventuelles tensions sur les marchés. Par ailleurs, en cas de choc financier similaire à celui de 2008, 500 milliards de dollars d’obligations de sociétés migreraient vers le marché des titres de catégorie spéculative en l’espace d’un an, représentant des cessions forcées que les investisseurs présents sur ce marché auraient du mal à absorber ».
Face à ses inquiétudes grandissantes, la remontée des taux d’intérêt, déjà en vigueur aux États-Unis et attendue en Europe en fin d’année ou désormais plutôt l’année prochaine, pourrait créer des perturbations supplémentaires. Dans ce contexte délicat, la recherche scientifique peut apporter des réponses et des recommandations pour les régulateurs et les acteurs du secteur. D’ailleurs, l’édition 2019 du Forum International des Risques Financiers, organisé par le Groupe Louis Bachelier, est consacrée à l’environnement de faibles taux d’intérêt. Durant cet événement, des chercheurs académiques du monde entier et des professionnels de la finance débattent pour améliorer les pratiques du secteur, afin d’y limiter les risques et d’y trouver des opportunités. Pour y faire écho, ce nouveau numéro des Cahiers Louis Bachelier livre les analyses de cinq chercheurs, spécialisés sur les taux d’intérêt et le risque systémique, qui fournissent des éléments d’explications particulièrement intéressants pour comprendre la situation actuelle et surtout essayer d’anticiper les mouvements futurs.
Bonne lecture !
Jean-Michel Beacco,
Délégué général de l’Institut Louis Bachelier