Finance Digitale

Projet scientifique

L’accès aux services financiers est crucial pour le développement économique. Les comptes courants et d’épargne permettent aux ménages de sécuriser leurs encaisses, de réaliser des transactions à l’aide de moyens de paiement associés, de lisser leurs revenus et leur consommation face à des chocs économiques et des revenus variables, et de financer des dépenses et des investissements conséquents. L’accès est particulièrement crucial pour les ménages les plus pauvres, qui sont plus souvent contraints et exposés plus fréquemment à des chocs de revenu imprévisibles. Cette question sensible dans les pays en développement est devenue un enjeu important également dans les économies développées qui ont commencé à accorder une attention croissante à cette question. L’Union européenne, en particulier, a placé la réduction de l’exclusion financière parmi ses objectifs stratégiques pour 2021.

Internet, les réseaux de télécommunications et les technologies numériques bouleversent en profondeur l’accès aux services financiers. Les consommateurs utilisent de plus en plus fréquemment Internet pour réaliser des achats en ligne, ainsi que des moyens de paiement dits numériques telles que les cartes de paiement, ou des services offerts par des prestataires de service de paiement sur Internet (Bagnall et al., 2016). Ces relations à distance sont également plébiscitées par les consommateurs pour toutes leurs opérations bancaires telles que la gestion de compte, de l’épargne, des prêts et de l’assurance. Des banques spécialisées, dites néo-banques, offrent désormais uniquement des services bancaires à distance via le mobile. Mais la numérisation de la finance requiert une accessibilité des territoires aux équipements et aux infrastructures de télécommunications. Or, l’accès des personnes et des commerces au numérique n’est pas égal sur le territoire français, ce qui peut affecter les dépenses des consommateurs en ligne mais également les stratégies de localisation des commerces dans les territoires. Une absence de raccordement des territoires aux infrastructures de télécommunications diminue par exemple la capacité des commerces à s’équiper en terminaux de paiement électronique, et peut les conduire à privilégier des zones urbaines plus connectées.

Ensuite, même dans le cadre d’un accès au numérique, l’incapacité, la difficulté ou la réticence de certains consommateurs à accéder ou à utiliser les services financiers numériques sont également mis en avant (McKillop and Wilson, 2007). L’absence d’accès ou les conséquences négatives d’un usage inadapté de l’offre financière peuvent alors stigmatiser, marginaliser et provoquer des ruptures des liens sociaux qui cimentent la société (Gloukoviezoff, 2007, 2010; Lazarus, 2012). Ces difficultés liées à l’usage des services financiers numériques peuvent affecter les dépenses de consommation des ménages, et le développement économique des territoires.

Enfin, le numérique conduit les établissements financiers à revoir également leurs stratégies d’ouverture et de localisation de leurs activités sur le territoire. Une étude menée par Sia Partners établit qu’entre 2014 et 2018, 3% des agences ont fermé en France, et compte tenu des intentions de fermeture communiquées par les banques, le nombre d’agences en France pourrait diminuer de 7,5% de 2018 à 2022. De même, la baisse de l’usage des espèces dans les transactions conduit à une baisse de l’offre de distributeurs automatiques de billets. Ainsi, fin 2018, la France métropolitaine comptait 52.697 distributeurs automatiques de billets, selon un rapport réalisé conjointement par la direction du Trésor, la Banque de France, les groupes bancaires et les transporteurs de fonds. En un an, un millier de points de retrait ont ainsi disparu. Sur les trois dernières années, le nombre de distributeurs de billets a diminué d’un peu plus de 5% en métropole. Les communes dépourvues d’un distributeur sont majoritairement de petites tailles et situées en zone rurale : sur 28.664 communes non équipées d’un distributeur, 97% comptent moins de 2.000 habitants.

L’objet du programme de recherche consiste à s’intéresser au lien entre l’accès et l’usage des infrastructures financières et le développement économique des territoires. Ce programme s’appuie sur trois axes :

  • Définir et mesurer à l’aide d’indicateurs les concepts d’inclusion et d’inégalités financières entre territoires dans l’espace (entre les territoires) et le temps (dynamique).
  • Analyser comment l’accès à ces infrastructures financières affecte le développement économique des territoires (dépenses de consommation des ménages, échanges entre entreprises, mobilité des acteurs dans les territoires).
  • Etudier les évolutions réglementaires ou les politiques publiques nécessaires à la réduction de ces inégalités financières territoriales, et permettre des préconisations aux acteurs financiers et territoriaux pour limiter cette fracture. Ce programme est original d’un point de vue académique. La littérature académique sur l’inclusion financière est principalement axée sur les pays en développement (Beck, 2008). Ces travaux se focalisent plus particulièrement sur la déficience de l’offre d’infrastructures financières (inexistence des banques). Quelques travaux plus récents se concentrent sur l’exclusion financière dans les pays développés (Demirguc-Kunt et al., 2019; Barboni et al., 2017). Les statistiques montrent que l’exclusion n’est pas marginale dans les pays développés. Mais ces travaux sont essentiellement centrés sur les consommateurs (détention de compte bancaire, carte). Plusieurs arguments sont avancés pour expliquer l’exclusion financière. Il existe des effets côté offre (prix des services, lourdeurs administratives, exigences en matière d’antécédents de crédit, de garanties (y compris l’identification) (Washington, 2006). En outre, les produits existants et leurs caractéristiques – par exemple, solde minimum des comptes, frais de découvert, faible rémunération de l’épargne, etc. – ne sont pas appropriés aux besoins des personnes ayant des revenus faibles et instables. Il existe également des effets cotés demande comme l’absence de confiance envers les banques, la protection des données personnelles, des biais cognitifs. Il n’existe pas à notre connaissance de travaux académiques approfondis qui incluent consommateurs, commerces et territoires.

Responsables scientifiques

David BOUNIE
David BOUNIE
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Marianne VERDIER
Marianne VERDIER
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