L'assurance maladie privée en France : Entre européanisation et collectivisation.

Auteurs
Date de publication
2019
Type de publication
Article de journal
Résumé Contexte : En France, l'assurance maladie privée (AMP) a un niveau de couverture exceptionnellement élevé et représente 13,7% des dépenses de santé. Régime complémentaire et volontaire, il a été historiquement dominé par les mutuelles à but non lucratif. Cependant, au cours des 20 dernières années, la part de marché des compagnies d'assurance à but lucratif a augmenté de 47 %. La financiarisation du secteur s'est développée et la concurrence fondée sur de nouvelles stratégies de gestion des risques a également augmenté. L'objectif général de cet article est de caractériser et d'élucider les causes de cette tendance. Plus précisément, nous nous intéressons à la façon dont et dans quelle mesure une série de politiques supranationales et nationales ont contribué à cette situation. Méthode : Nos données proviennent de trois sources. Nous avons d'abord examiné des documents publiés par les assureurs maladie, des rapports gouvernementaux et des articles de journaux. Nous avons ensuite mené deux campagnes d'entretiens semi-structurés entre septembre 2017 et mai 2018. La première a surtout porté sur les acteurs privés et publics et leur implication dans l'élaboration des politiques de l'Union européenne (UE) (n=21). La seconde série d'entretiens a été menée avec un autre groupe d'acteurs directement impliqués au niveau français (n = 16). Résultats : Nos résultats soutiennent les observations préliminaires. Nous soutenons que l'assurance santé publique en France est effectivement confrontée à un développement de la concurrence et des instruments de type marché. Quatre politiques majeures (deux directives européennes et deux réformes nationales) ont joué un rôle important dans ce résultat. De manière surprenante, cependant, cela n'a jamais été l'objectif des législateurs et des décideurs politiques : alors que les directives de l'UE ont créé un cadre réglementaire pour les activités d'assurance au sein du marché unique, les politiques adoptées au niveau national visaient initialement à améliorer la couverture santé. Nous montrons que ce sont les interactions et la non-coordination entre toutes ces politiques qui expliquent leur résultat inattendu. Conclusions : La tendance décrite dans cet article est double. La première est l'européanisation, puisque l'assurance santé publique en France est de plus en plus affectée par la législation européenne. Étant donné que ce cadre tend à favoriser les grandes entreprises et les sociétés à but lucratif, une réduction de la couverture légale ne peut plus être considérée comme un transfert quasi-neutre de la sécurité sociale (publique) vers les prestataires à but non lucratif. Dans le même temps, l'assurance santé publique évolue vers la collectivisation : à mesure que la concurrence s'intensifie, la couverture complémentaire des soins de santé est progressivement normalisée et basée au niveau de l'entreprise. Ensemble, ces changements sont susceptibles de réduire la liberté de choix et le bien-être individuel, une hypothèse soutenue par les études publiées sur la période la plus récente.
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