Le sixième “Financial Risks International Forum”, organisé par le LABEX Louis Bachelier à Paris les 25 et 26 mars, a témoigné de l’étendue et la variété des travaux de recherche sur le thème de liquidité. Un thème au coeur des préoccupations actuelles des acteurs de la finance, comme l’ont montré les intervenants, venus de l’Europe entière et d’Amérique du Nord: tous ont rattaché leur propos à l’actualité économique et financière.
Tout épargnant ayant un jour investi en Bourse peut donner une définition de la liquidité, comme étant la capacité de céder ses titres sur le marché, dans de bonnes conditions. Mais cette définition est loin d’épuiser la problématique. Elle diffère bien sûr selon les acteurs. Pour une banque, par exemple, la liquidité représente l’accès à la monnaie banque centrale, ou plus simplement, aux billets émis par celle-ci.
Le thème de la liquidité s’est imposé dans l’actualité depuis l’été 2007 et le déclenchement de la crise des “subprimes”, marqué par le blocage du marché interbancaire, en raison d’une perte de confiance des banques entre elles. Depuis lors, les différentes problématiques autour de la liquidité sont restées sur le devant de la scène.
 
Perte de liquidité et risque de contagion
Celle de la contagion, notamment, qui a fait l’objet d’une communication de Thierry Foucault (HEC), lors de la séance d’ouverture du forum. Il a montré comment la perte de liquidité sur le marché d’un seul titre pouvait se diffuser rapidement à l’ensemble des valeurs. Un phénomène de crise exceptionnel sur les marchés dits “matures”, mais fréquent s’agissant des pays émergents. A cet égard, Simone Giansante (University of Bath) a apporté une contribution majeure à la réflexion sur la régulation prudentielle des banques, et le niveau des réserves en capital qu’elles doivent constituer, pour faire face au risque de crise. Il démontre que la réglementation dite « Bale 3 », qui contraint toutes les banques à faire passer leurs capitaux propres de 4 à 11% de leur bilan, ne fait pas baisser les risques de contagion d’une crise de liquidité de plus d’un quart. Au lieu de prévoir des ratios prudentiels d’ordre général, mieux vaudrait imposer des niveaux de fonds propres plus importants aux banques présentant des risques spécifiques, a-t-il affirmé.
 
Mesurer le prix de la liquidité
Au delà de ces cas de crise, la recherche se porte sur diverses problématiques. Comment mesurer le prix de la liquidité? Autrement dit, quel est le surcoût que sont prêts à assumer les investisseurs pour acquérir un actif dont la liquidité est garantie? Et, à l’inverse, quelle sera la décote d’un titre à la liquidité plus aléatoire? Alexandre Roch (Ecole des sciences de la Gestion, UQAM) et Robert Jarrow (Cornell University) ont développé un modèle répondant à ses interrogations, s’agissant des bons du Trésor.
S’agissant de ces obligations d’Etat, l’évolution de liquidité bancaire a un impact fondamental sur leur prix à l’avenir, en tous cas au sein de la zone euro : c’est ce qu’a démontré Marie-Florence Lamy (Rouen Business School), qui a prouvé que, pour chaque pays européen, le constat de tensions sur la liquidité entre banques permettait de prévoir l’augmentation des taux d’intérêt sur les obligations d’Etat (spreads en hausse) à l’horizon d’un an.
 
L’impact du trading à haute fréquence
Une autre approche est celle de l’impact des nouvelles stratégies de trading sur la liquidité. La question du trading à haute fréquence (high frequency trading, HFT) est bien sûr posée. Corey Garriott (Bank of Canada) estime qu’il peut contribuer à diminuer la liquidité d’un marché s’il est utilisé de façon trop agressive, ou au contraire l’augmenter, si les ordres sont passés de manière plus passive. Plus généralement, Oliver Linton (Trinity College, University of Cambridge) a établi un bilan nuancé du HFT. Outre le fait qu’il a bien sûr contribué à faire baisser les coûts de transaction, en temps normal, il accroît la liquidité du marché, et le rend donc plus efficient. Notamment parce qu’il permet de multiplier les arbitrages en places financières et donc de les relier entre elles. Mais le HFT peut conduire à des accidents importants, comme le flash crash du 6 mai 2010. Et il contribue à accroître la volatilité des marchés.
La liquidité sur des marchés spécifiques, comme celui des CDS a été également étudiée. Monika Trapp (University of Cologne) a notamment étudié l’impact du marché des CDS sur les prix des sous-jacents.
 
Choix de portefeuille
Les travaux présentés au cours de ce forum ne se sont pas bornés à analyser, sous ses différentes formes, les phénomènes financiers liés à la liquidité. Des réflexions à vocation plus directement opérationnelle ont été présentées. Ainsi, de nombreuses études concernant les choix de portefeuille ont fait l’objet de communications. Andrew Ang (Columbia Business School) a exposé un modèle d’allocation optimale des actifs, qui varie selon les périodes: les choix à faire ne sont pas les mêmes lorsque le fonctionnement du marché est normal et quand se présente une « crise de liquidité ».
Un modèle qui a suscité moult débats, car les problèmes soulevés sont nombreux, notamment, celui de l’évolution des actifs: quelle doit être la conduite à tenir quand un actif liquide devient illiquide ?
Nul doute que ce sixième Financial Risks International Forum sera à l’origine de nouveaux axes de recherche au sein de la communauté des chercheurs en économie financière. 
chapo
Le sixième Financial Risks International Forum, organisé par le LABEX Louis Bachelier les 25 et 26 mars à Paris, a été l’occasion de confronter les analyses les plus récentes sur un phénomène financier majeur, aujourd’hui : la liquidité.