Alors que l’avenir de la construction européenne est en débat, l’harmonisation fiscale s’inscrit dans une perspective politique pour réinventer l’Europe. Dans une note du Conseil d’analyse économique (CAE), Agnès Bénassy-Quéré, Alain Trannoy et Guntram Wolff, formulent trois propositions concrètes pour relancer la coopération fiscale en Europe.
 
L’harmonisation fiscale est loin de faire consensus en Europe. Quand la France pointe l’effet délétère de la concurrence fiscale sur les finances publiques ou les inégalités, nombre de nos partenaires y voient au contraire un moyen de faire pression sur les gouvernements pour les rendre plus efficaces. Si elle veut promouvoir l’harmonisation fiscale, la France doit donc convaincre ses partenaires de ses effets bénéfiques sur la croissance et la stabilité financière, et donc commencer par la fiscalité sur les entreprises.
 
Relancer le projet d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS)
Les auteurs soulignent que sur le marché unique européen, la concurrence en matière d’impôt sur les sociétés (IS) est source de multiples distorsions nuisibles à la performance économique : des coûts importants de mise en conformité des sociétés opérant dans plusieurs pays, des possibilités démultipliées d’optimisation fiscale et autant de biais dans les décisions de financement. Privilégiant une démarche pragmatique, ils proposent donc d’abord d’harmoniser les assiettes fiscales plutôt que de vouloir imposer un taux unique d’impôt sur les sociétés. « Relancer le projet européen d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) permettrait à la fois de limiter les possibilités d’optimisation fiscale liées aux différences d’assiette et de réduire les coûts de remise en conformité », explique Guntram Wolff.
 
Achever l’Union bancaire en harmonisant les régimes fiscaux dans ce secteur
L’Union bancaire ne sera pas complète sans une harmonisation des régimes fiscaux des banques. Les auteurs suggèrent donc que toutes les taxes et contributions spécifiques à l’activité bancaire (hors IS) soient fusionnées en une unique taxe sur l’activité financière et transférées au niveau de l’union bancaire. « Cette taxe serait le pendant fiscal au mécanisme de surveillance unique et pourrait venir financer en premier lieu le fonds de résolution unique, accélérant la mise en place d’un filet de sécurité crédible au niveau européen », commente Alain Trannoy.
 
Un IS bancaire pour la zone euro
Une fois les deux premières recommandations mises en oeuvre, les auteurs proposent de prélever un IS harmonisé sur le secteur bancaire dont les recettes seraient transférées à un budget propre de la zone euro. Chaque État membre pourrait prélever une taxe nationale additionnelle pour atteindre son propre taux d’IS et ainsi ne pas traiter différemment les banques du reste de l’économie. Les recettes à attendre d’un IS bancaire zone euro pourraient être de l’ordre de 20 milliards d’euros. Face à une concurrence mondialisée, l’Europe a tout intérêt à se comporter comme une grande puissance plutôt que comme une collection de petits pays eux-mêmes en concurrence les uns vis-à-vis des autres. L’idée n’est pas d’alourdir la facture fiscale, qui est déjà élevée mais de supprimer les distorsions qui nuisent à la croissance et à la stabilité financière. « Commencer par le secteur bancaire est cohérent avec la prise de conscience collective des effets pervers d’une concurrence débridée dans ce domaine et des coûts sociaux des crises bancaires », conclut Agnès Bénassy-Quéré.