« Historique », l’accord de Paris ? Le qualificatif est omniprésent dans les communiqués d’autosatisfaction accompagnant la clôture du marathon climatique. Une loi du genre. Pour ceux restés ces derniers jours à l’écart de la bulle des négociations, ce que l’accord peut changer concrètement apparaît moins clairement. Le succès diplomatique de la conférence de Paris est indéniable. Mais le processus est désespérément lent et surtout ne porte que sur des intentions en matière de réduction des émissions. Transformer ces intentions en engagements effectifs exige des gouvernements qu’ils abordent de front la question incontournable de la tarification du carbone.

Depuis son démarrage, la négociation climatique est minée par l’interprétation binaire du principe de différenciation de la responsabilité, inscrite dans le marbre avec le protocole de Kyoto qui limitait les engagements de réduction d’émission aux pays industrialisés. Une vision totalement surannée, dans un monde où la Chine émet autant de CO2 que l’Europe et les Etats-Unis réunis et où les pays émergents sont désormais à l’origine de l’intégralité de la croissance des émissions mondiales. L’accord de Paris s’écarte de cette vision. Il vise à lier l’ensemble des pays dans un système d’engagements à partir de leurs contributions nationales qui devraient graduellement intégrer un dispositif commun de mesure et vérification sous l’égide des Nations Unies avec une clause de révision quinquennale interdisant tout retour en arrière.

L’avancée est majeure, si on parvient à la mettre en musique. Mais dans le meilleur des cas, le dispositif, qui ne repose que sur la bonne volonté des pays, commencera à être opérationnel aumilieu de la prochaine décennie. Pour rendre l’accord véritablement « historique », il faut aller bien plus vite, en utilisant les dispositions très générales de son article 6 sur la collaboration entre parties pour faire des pas décisifs en matière de tarification du carbone.

Tendre vers un réchauffement de moins de 2°C (a fortiori de 1,5°C) implique de basculer vers des sources d’énergie non carbonées en renonçant à l’extraction d’une grande partie du charbon, du pétrole et, dans une moindre mesure, du gaz naturel. Mission impossible dans un monde où l’usage de l’atmosphère est gratuit et où abondent les subventions aux fossiles. Objectif sans doute encore atteignable avec un prix mondial du carbone qui impute les coûts du risque climatique à chaque émission de CO2 et dégrade rapidement la rentabilité relative des actifs fossiles. Certains craignent à raison que ce renchérissement de l’énergie fossile pénalise les pays en développement. C’est pourquoi le prix international du carbone doit aussi fournir une ressource additionnelle en capital qui permette de sécuriser la promesse de transférer une valeur plancher de 100 milliards de dollars par an vers les pays moins avancés au titre de la justice climatique.

i Professeur à l’Université Paris-Dauphine, auteur avec Raphaël Trotignon de Le climat à quel prix ? La négociation climatique (Odile Jacob, 2015).

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