En matière environnementale, le cadre multilatéral a déjà permis de faire face à des menaces globales. Le protocole de Montréal, signé en 1987, a conduit la communauté internationale à pratiquement cesser les émissions de gaz CFC1 dont l’accumulation dans l’atmosphère provoquait la destruction de la couche d’ozone. Le succès de cet accord à portée universelle a reposé sur l’existence de trois piliers : un engagement politique fort des gouvernements concernés, un système rigoureux et indépendant de suivi, des instruments économiques adaptés. Plus de vingt ans de négociation climatique n’ont jusqu’à présent pas permis d’engranger de résultats comparables. Ce qui a été possible pour l’ozone troposphérique serait-il hors d’atteinte pour les gaz à effet de serre ?

La mise en oeuvre d’un accord international sur le climat se heurte au problème très classique du “passager clandestin” (Olson (1965). Pour chaque acteur pris isolément, il n’y a pas de corrélation directe entre le niveau de l’effort qu’il accepte de produire pour réduire ses émissions et le bénéfice qu’il en tirera sous forme de moindres dommages. La perturbation climatique est en effet liée au stock global de gaz à effet de serre qui n’est que faiblement corrélé au flux annuel d’émission de chaque pays. De plus, les impacts les plus sévères sont éloignés dans le temps, ce qui incite chaque acteur à reporter l’intégralité des coûts du changement climatique sur les générations futures. Dans un tel contexte, chaque joueur a intérêt à attendre que ses voisins lancent l’action, la position idéale étant celle du “passager clandestin” qui ne ferait aucun effort quand tous les autres s’engageraient pour protéger le bien commun. Inversement, aucun acteur n’a intérêt à s’engager unilatéralement tant qu’il n’a pas la conviction que d’autres suivront dans le cadre d’une coalition plus large (Nordhaus (2013)).

Face à cette question du passager clandestin, l’Europe et les Etats-Unis ont jusqu’à présent eu des réactions opposées. Un peu angélique, la première a toujours considéré que l’engagement unilatéral des pays riches était de nature à provoquer un effet d’aspiration des autres pays qui rejoindraient spontanément une large coalition internationale. A l’opposé, le Sénat américain adopta dès 1997, à une majorité écrasante, une résolution s’opposant à la ratification de tout traité sur le climat qui lierait les Etats-Unis sans que des pays comme la Chine ou l’Inde ne soient engagés à des efforts équivalents2 (105th Congress, 1997).

Cette résolution rendait impossible la ratification par les Etats-Unis du protocole de Kyoto et contribua à l’enlisement des négociations climatiques. Or, l’absence de coordination effective conduit à des résultats inquiétants : durant la décennie 2000, les émissions mondiales de gaz à effet de serre se sont accélérées et augmentent d’autant notre exposition collective au risque climatique3 (IPCC, WGIII AR5, (2014), Boden et Andres (2014)). L’enjeu central des négociations internationales est de dépasser la vision de “stratégies substituables” déployée par les acteurs face au risque climatique, pour mettre en oeuvre des “stratégies complémentaires” 4 (Sandler, T. (2004)).