L’Institut Louis Bachelier (ILB) a organisé une rencontre avec sa communauté des Louis Bachelier Fellows, qui s’est déroulée, le 1er avril dernier, à la Direction Générale du Trésor (DGT). Lors de cet évènement, les échanges ont porté sur le thème « L’avenir de la recherche française : défis et perspectives ».

« Le thème de cette rencontre est très important pour les économistes et chercheurs dont vous faîtes parties », a déclaré Elyès Jouini, vice-président scientifique de l’ILB et modérateur de l’événement, en guise d’introduction et de bienvenue à la quarantaine de participants présents. Et de poursuivre : « Dans le contexte électoral actuel, il est très intéressant d’avoir un éclairage sur la place, le rôle et le financement de la recherche dans nos économies ». 

Les politiques publiques nécessitent de la recherche

Après cette brève introduction, Agnès Benassy-Quéré, chef-économiste du Trésor a ouvert le débat en évoquant l’importance de la recherche pour son institution et les axes d’amélioration possibles : 

« La recherche et l’innovation sont essentielles pour la croissance, mais il faut les rendre plus efficaces, en particulier sur les questions des financements et le partage entre les acteurs publics et privés. La recherche permet d’améliorer les politiques publiques et la DGT s’appuie beaucoup sur des résultats de recherche. La DGT contribue également à la recherche, par exemple avec des travaux sur l’impact du télétravail, les prêts garantis par l’Etat ou encore les micro-simulations sur les aides aux entreprises », tout en ajoutant que : « Les chercheurs peuvent aider les pouvoirs publics en répondant aux nombreux appels à projets liés aux évaluations des politiques en vigueur, en participant aux rencontres avec les différents organismes comme le Conseil d’analyses économiques (CAE) ou l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), et en remettant leurs résultats dans un contexte plus global pour que les décideurs puissent plus facilement trancher ».

À la suite de ces propos et avant d’introduire la table ronde et ses panelistes, Elyès Jouini a illustré la thématique de l’événement en citant le récent rapport de l’Académie des sciences intitulé « Pour une nouvelle politique de la recherche », qui recommande d’augmenter les financements de la R&D et de redonner de l’attractivité au métier de chercheurs.

La recherche est un catalyseur de la croissance économique

Philippe Aghion, professeur au Collège de France, a ensuite pris la parole en visioconférence pour aborder le rôle de la recherche dans la croissance économique. « La pandémie a révélé les faiblesses du capitalisme dans les différents pays. Aux États-Unis, le modèle social est faible et fragilise les plus vulnérables, mais en matière d’innovations, ils sont meilleurs que l’Europe. Au niveau mondial, ils font la course en tête avec la Chine, tandis que le Japon et l’Union Européenne, en particulier la France, déclinent. Or, l’innovation est très importante pour la croissance comme le montre la corrélation avec le dépôt de brevets. La désindustrialisation en France a été causée par un manque d’innovations, hormis dans les secteurs du nucléaire et de l’aéronautique. La réindustrialisation française passe donc par l’innovation. Cette dernière est une chaîne qui débute par la recherche fondamentale et l’université. Et les États-Unis financent beaucoup plus les maillons de la recherche que la France, avec des organismes beaucoup mieux dotés. En Allemagne, la recherche est également plus financée. Le crédit d’impôt recherche devrait être davantage orienté vers les PME, car elles innovent plus que les grands groupes ».

Évaluer la recherche et simplifier les démarches

Après le rappel de la contribution de la recherche à la croissance, Johanna Etner, professeur d’économie à l’Université Nanterre et chargée de mission au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a exposé son point de vue. « Le financement de la recherche est important et tout le monde aimerait plus d’argent. Mais, il faut noter que des efforts ont été faits ces dernières années. L’Agence Nationale de la Recherche a vu son budget augmenté, même s’il y a encore des progrès à réaliser au niveau de la sélection des projets », avant d’apporter des précisions : « Il y a également une certaine timidité de la part de la communauté scientifique pour aller chercher les moyens financiers existants en France et même les financements européens. Les Investissements d’Avenir en sont pourtant à leur 4ème phase, le plan de relance et France 2030 vont soutenir la recherche. Il est également nécessaire de mesurer les impacts de la recherche en les évaluant pour répondre aux questions suivantes : quid de la production de connaissances et scientifiques ? Quels sont ses impacts socioéconomiques ? Comment la recherche est-elle perçue par les décideurs ? »

De son côté, Alain Trannoy, directeur d’étude à l’EHESS estime qu’il faut « rendre attractif les métiers de l’enseignement, en augmentant notamment les salaires des fines pointes de la recherche française ».

Enfin, Thierry Coulhon, président du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, a rappelé l’érosion des performances françaises en matière de recherche. Il recommande, entre autres, de : « Réconcilier la recherche globale avec les recherches locales qui sont de bonne qualité ; financer davantage la recherche conjointement avec l’enseignement supérieur ; mieux articuler le système dual entre les universités et les grandes écoles ; fluidifier, simplifier et aligner les acteurs ; clarifier et simplifier les nombreux dispositifs existants ».

Cet évènement s’est conclu par des échanges informels entre les participants sur la pluridisciplinarité de la recherche et le partage entre la recherche publique et privée.