La conférence inaugurale de la fondation PARC (Paris Agreement Research Commons), organisée par l’Institut Louis Bachelier (ILB), s’est déroulée le 26 février, au Collège de France.

Cette fondation, regroupant plusieurs membres (voir encadré), est dédiée à la recherche académique fondamentale et appliquée sur la finance durable pour répondre aux objectifs fixés à l’Accord de Paris sur le climat de 2015. Retour sur cet évènement.

Les mutations du système financier

L’introduction de l’évènement a été effectuée par Bertrand Badré, ancien directeur financier de la Banque Mondiale, fondateur du fonds d’investissement Blue like an Orange Sustainable Capital et président de la fondation PARC : « Le lancement de PARC arrive à un moment où la finance est à un tournant à la suite de l’Accord de Paris. Le système financier libéral tel que nous le connaissons depuis les années 1970 est confronté à une remise en cause profonde. Trois événements ont posé les bases du système actuel : l’article de Milton Friedman de 1970 qui établit le profit comme une fin en soi, la fin du système de Bretton Woods en 1971 et le rapport du Club de Rome de 1972 sur les limites à la croissance.

Si la crise de 2008 a permis des progrès en matière de réglementation, ce n’est que très récemment que les critères de durabilité ont émergé. Mais pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré à la fin du siècle, il est impératif que la finance opère un changement d’échelle. Le financement doit passer des « billions to trillions » (des milliards aux milliers de milliards), comme indiqué par un document publié par la Banque Mondiale en 2015. Or, le contexte est encore peu propice. Les objectifs de développement durable (ODD) fixés par l’ONU en 2015 n’ont pas été atteints ; la période actuelle est marquée par un repli sur soi ; la remontée des taux d’intérêt a mis en fin à l’argent à bas coût qui a caractérisé la dernière décennie ».  

Mobiliser les acteurs par les données

La fondation PARC peut ainsi contribuer à répondre à ce défi de durabilité et de verdissement de la finance. Elle permettra aux différents acteurs (chercheurs académiques, entreprises, pouvoirs publics) de travailler ensemble pour favoriser la coopération scientifique en France et à l’international (Europe, Etats-Unis, Chine, pays émergents). L’objectif est de stimuler la recherche quantitative entre différentes disciplines (mathématiques, économie, science politique, sciences de la terre…) pour développer une approche globale des données ESG.

Stéphane Voisin, directeur de recherche en finance durable à l’ILB, a mentionné une « révolution », par cette volonté de mobiliser l’ensemble des acteurs de « l’orbite basse à la haute sphère ».  Pierre Louis Lions, professeur au Collège de France et président du conseil scientifique et d’experts de la fondation PARC, a ajouté que les articles académiques devraient mener à des avancées concrètes, avec le soutien des organisations et des individus. Il s’agit de maintenir un programme ouvert pour impulser une appropriation des données « tous azimuts ». De son côté, l’Observatoire de la finance durable, dirigé par Raphaël Lebel et rattaché à la fondation PARC, garantit la prise en compte de l’intérêt général. Il veille à la transparence et au suivi des données déclarées par les acteurs de la place de Paris. En soutien, l’ESG Lab de l’ILB, sous la responsabilité de Joao Serta, peut mobiliser sa double expertise en science des données et en ESG.

Les priorités de PARC confirmées par des spécialistes

Dans un second temps, une table ronde animée par Anne-Catherine Husson (Novethic) a permis de confronter les points de vue de plusieurs panelistes en matière de finance durable. Jean Boissinot (Banque de France) a présenté les enjeux autour du NGFS (Network for Greening the Financial System), le réseau des banques centrales engagées pour le climat dont la Banque de France assure le secrétariat général. La priorité pour le NGFS est de disposer de modèles robustes et de personnel qualifié. Mathieu Garnero (ADEME) est revenu sur les mutations de la finance durable, qui était encore une activité de niche en 2019, mais désormais indispensable en 2024, malgré une disponibilité des données encore limitée.

Maud Thomas (Institut des actuaires) considère ainsi que les actuaires seront au centre de ces enjeux pour chiffrer l’impact du changement climatique. L’assurance doit de son côté mieux adapter ses modèles au réchauffement climatique qui conduit à la multiplication des catastrophes naturelles. Jezabel Couppey-Soubeyran (Université Paris 1, chaire Energie & Prospérité) a précisé la nécessité d’une vision systémique qui intègre le coup de l’action, mais aussi de l’inaction. Pour cela, il s’agit de déterminer les investissements nécessaires rentables comme non rentables, dans un contexte où les acteurs font face à une incertitude radicale. Peter Tankov (ENSAE) a justement souligné le rôle de l’incertitude et la nécessité de développer des scénarios compatibles avec les enjeux planétaires. Anthony Briant (Ecole des Ponts) a fait un focus sur le rôle de l’éducation dans le verdissement de la finance. L’Ecole des Ponts souhaite se positionner comme une référence en la matière, au travers de la formation dispensée à ses futurs ingénieurs. Enfin, Isabelle Laudier (Caisse des dépôts) a montré comment la Caisse des Dépôts pouvait accompagner les acteurs, en faisant le « trait d’union » entre la recherche et les activités opérationnelles

Repenser le rôle de la finance

Le mot de la fin a été donné par Natacha Valla, doyenne de l’Ecole de management et de l’impact de Sciences-Po Paris et vice-présidente de PARC. Elle a cité l’économiste autrichien Joseph Schumpeter, pour qui la joie disparaît de l’innovation lorsqu’intervient la finance. Or, avec cette fondation, il s’agit de repenser le rôle que doit jouer la finance. Avec la durabilité, c’est une nouvelle « maturité » qui pourrait tirer le secteur dans son ensemble. En clair, la fondation PARC répond à un besoin urgent de dynamiser la recherche en finance afin qu’elle contribue à la lutte contre le réchauffement climatique.


PARC : une fondation abritée à la Fondation du Risque

La fondation PARC (Paris Agreement Research Commons) est abritée au sein de la Fondation du Risque, qui est adossée à l’Institut Louis Bachelier. Elle est le résultat d’un processus entamé il y a trois ans et elle repose sur cinq membres fondateurs : la Direction générale du Trésor, l’ADEME, l’Institut des Actuaires, l’European Climate Foundation et l’Ecole des Ponts ParisTech.