La deuxième édition de  la conférence internationale « Market Microstructure : Confronting Many Viewpoints » qui s’est tenue à Paris du 10 au 13 décembre, sous l’égide de l’Institut Louis Bachelier, a été l’occasion de prolonger et de renouveler les réflexions entamées voilà deux ans, en présence de spécialistes internationaux des marchés. Charles-Albert Lehalle (directeur de la recherche quantitative chez Crédit Agricole Cheuvreux), l’un des organisateurs de cette manifestation, dresse le bilan de cette édition.
 
Quels ont été les principaux points abordés pendant ces quatre jours de réflexion?
Trois grands thèmes ont été abordés, qui correspondent aux problématiques les plus actuelles. Le premier, c’est celui du « market impact ». Comment limiter le surcoût d’un investissement important pour un opérateur, quand celui-ci, en raison d’un achat important de titres, risque de provoquer un décalage des cours ? Nous avons tenté d’analyser les formes nouvelles de « market impact ». Et je pense que la réflexion a progressé sur les stratégies les plus appropriées destinées à limiter ces surcoûts. Fabrizio Lillo (Université de Palerme et Santa Fe Institute) a ainsi présenté une étude innovante sur la microstructure des événements rares, ou le processus de formation des prix quand surviennent des événements exceptionnels (1). Et Pierre-Louis Lions (Collège de France) a présenté un modèle analysant les interactions à l’œuvre dans les circonstances qui caractérisent le « market impact » (2).
 
Les réflexions ont aussi avancé sur le trading à haute fréquence, qui défraie la chronique…
Il a pris, effectivement, une place très importante. Il représente près de 80% des transactions aux Etats-Unis. Les réflexions ont porté notamment sur son impact en termes de liquidité. Le HFT (high frequency trading) permet-il d’accroître la liquidité des marchés, de les fluidifier ? La question fait débat, elle a été très discutée à l’occasion de ces journées, mais la réponse est plutôt négative : si le HFT peut effectivement jouer ce rôle [c’est le cas quand sa place reste restreinte], le plus souvent, il ne permet pas de fluidifier les marchés. En pratique, compte tenu de sa prépondérance, notamment aux Etats-Unis, le HFT n’ajoute pas de la liquidité. Il en retirerait plutôt, dans 85% des cas.
 
N’a-t-il pas pris une importance  trop grande?
On peut penser, effectivement, que le HFT a pris une place démesurée.
En outre, le trading à haute fréquence a été l’origine de véritables krachs. On pense bien sûr au « Flash crash » du 6 mai 2010, aux Etats-Unis. De ce point de vue, les autorités ont pris les mesures qui s’imposaient. C’est le cas de la bourse allemande, qui a présenté l’ensemble de son dispositif destiné à fiabiliser les transactions. Des coupe-circuits ont été mis en place, et de fait, le système est aujourd’hui plus fiable.
 
Comment évolue le trading à haute fréquence ?
Il prend des formes nouvelles. Se pose aujourd’hui le problème du « high frequency quoting ». On peut constater, dans certains cas, que la formation des prix atteint une vitesse à ce point élevée, qu’elle  dépasse celle des transactions à haute fréquence. Joel Hasbrouck (Stern School of Business, New York University) a interpellé l’auditoire sur cette tendance que l’on peut qualifier d’anormale (3).
Jonathan Brogaard (Foster school of Business, université de Washington) a présenté une étude sur le trading aux Etats-Unis. Elle porte spécifiquement sur le trading de l’indice le plus liquide (4).
 
Quel a été le troisième grand thème abordé ?
C’est celui du trading optimal, ou la recherche d’un mode d’achat ou de ventes d’actions le plus efficient. Gilles Pages (UPMC) et Bruno Bouchard (Université Paris-Dauphine) ont présenté l’ensemble des outils existant aujourd’hui pour tendre vers ce trading optimal (5 et 6). Ils utilisent notamment les techniques probabilistes, appliquées aux marchés : quelle est la probabilité qu’un ordre d’achat ou de vente trouve comme contrepartie un investisseur institutionnel,  un market maker ou un système électronique de trading à haute fréquence? Une stratégie optimale permet d’envisager toutes les possibilités, et d’évaluer les différences de traitement.
Robert Algrem (New York University) a étudié, lui, le trading optimal appliqué aux produits dérivés (7).
 
1 LILLO: E. Moro, J. Vicente, L.G. Moyano, A. Gerig, J.D. Farmer, G. Vaglica, F. Lillo, R. N. Mantegna, Market impact and trading profile of hidden orders in stock markets. Physical Review E 80, 066102 (2009)
2 LIONS: Mean field games Jean-Michel Lasry ·Pierre-Louis Lions – Japan. J. Math. 2, 229–260 (2007)
3 HASBROUCK – High Frequency Quoting: Short Term Volatility in Bids and Offers – working paper
4 BROGAARD: The Trading Profits of High Frequency Traders* Matthew Baron Jonathan Brogaard Andrei Kirilenko – Working paper
5 Gilles Pages – Laruelle Lehalle Pagès, Optimal split of orders across liquidity pools: a stochastic algorithm approach, SIAM Journal of Financial Mathematics, 2: 1042-1076, 2011. + Optimal posting price of limit orders: learning by trading by S Laruelle, CA Lehalle, G Pages (working paper)
6 BOUCHARD – Optimal Control of Trading Algorithms: A General Impulse Control Approach Authors: Bruno Bouchard , Ngoc-Minh Dang dang@ceremade.dauphine.fr
Charles-Albert Lehalle in: · Journal SIAM Journal on Financial Mathematics archive Volume 2 Issue 1, January 2011 Pages 404-438 + Transaction costs in financial models,  with Elyes Jouini, Encyclopedia of Quantitative Finance, Rama Cont (Ed), Wiley.
7 ALMGREN – Optimal execution of portfolio transactions by: R. F. Almgren, N. Chriss Journal of Risk, Vol. 3, No. 2. (2000), pp. 5-39
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Charles-Albert Lehalle, l’un des organisateurs de la conférence internationale « Market Microstructure : Confronting Many Viewpoints », dresse le bilan de cette édition qui s’est tenue à Paris du 10 au 13 décembre, sous l’égide de l’Institut Louis Bachelier.