Observer, caractériser et comprendre la pénurie en eau : une approche institutionnaliste de l'évolution du mode d'usage de l'eau en Espagne et au Maroc.

Auteurs
Date de publication
2012
Type de publication
Thèse
Résumé Ce mémoire de thèse a pour objet la pénurie en eau. Face aux analyses techniques a-historiques centrées sur la rareté physique de l’eau, nous développons une problématique sociale-contingente pour laquelle les usages de l’eau sont au cœur de l’explication. La première partie correspond à l’étape d’observation. Elle a pour objectif de retracer l’évolution du mode d’usage de l’eau à Almeria (Andalousie) et à Marrakech et Agadir (Maroc) entre la fin du XIXe siècle et aujourd’hui. Considéré comme domaine d’observation, le mode d’usage de l’eau (Arrus) qualifie l’articulation d’un volet « économique », relatif à l’ajustement réciproque de l’offre et des usages finals de l’eau produite (formalisé par des normes-procédures) et d’un volet « institutionnel », relatif aux normes sociales (qualifiées de normes-règles) présidant à la définition des droits de disposition sur les ressources en eau. Pour chacun des trois terrains, cette étape comprend une étude de terrain qualitative combinée à une analyse historiographique et à une analyse textuelle de documents de planification selon la méthode Alceste. Cette étape débouche sur la formulation de quatre faits stylisés chronologiques traduisant la succession de quatre phases constitutives du cycle de vie d’un mode d’usage de l’eau particulier. La deuxième partie est d’ordre théorique. Elle correspond aux étapes de caractérisation et de compréhension. Ces deux étapes reposent sur la mobilisation d’une grille théorique nouvelle élaborée par Billaudot sur la base d’une mise en rapport de l’institutionnalisme de Commons et de l’institutionnalisme sociologique de l’approche interprétative de l’économie des conventions (Boltanski et Thévenot). Qualifiée d’institutionnalisme historique et pragmatique, cette approche se présente comme une perspective d’approfondissement de l’institutionnalisme historique de la théorie de la régulation. Elle a pour objectif d’articuler genèse et fonction des institutions et conduit notamment à associer à chacune des modalités de règlement des transactions de Commons une valeur de référence et un bien supérieur. Ainsi, le mode d’usage de l’eau particulier ayant connu une phase de régime en Espagne et au Maroc au cours de la seconde moitié du XXe siècle est qualifié d’« hydrauliciste ». Il se caractérise par une représentation de l’eau essentiellement comme ressource d’allocation, dont l’abondance obtenue par des infrastructures à haute intensité de génie civil constitue une des prérogatives de l’État « moderne » qui, en aval, régit également son usage. L’identification des principales caractéristiques du mode d’usage « hydrauliciste » permet d’aboutir à la troisième étape, à savoir la compréhension des déterminants de son entrée en crise à partir des années 1980. D’une part, cette crise porte sur l’arrivée à terme des régularités antérieures quant à l’ajustement réciproque de l’offre et des usages finals de l’eau produite : on constate une raréfaction des ressources primaires (on qualifie cet aspect de « crise de la régulation »). D’autre part, elle correspond à la remise en question du cadre institutionnel qui soutient le volet économique (on constate une « crise du fondement du régime »). Ainsi, les normes sont partiellement disqualifiées par un double processus de délocalisation en faveur d’une décentralisation de la gestion de l’eau. De plus, le caractère non soutenable du mode d’usage antérieur conduit à l’émergence d’aspirations écologistes concrétisées par la proposition de nouvelles normes d’usage. Le registre de socialisation écologique pour lequel l’eau est comprise comme un milieu de vie se renforce. Au final, nous aboutissons à l’identification d’un nouveau mode d’usage actuellement en vigueur. Nous montrons qu’il ne procède pas d’une rupture paradigmatique mais correspond à un « régime de crise ».
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