En France, l’article L.3132-3 du Code du travail dispose que « dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ». Mais en pratique plus de 200 activités bénéficient de dérogations. Ainsi, selon une étude de la Dares de 2011, environ 13% des salariés travaillent régulièrement le dimanche et 16% de manière occasionnelle. Faut-il aller plus loin ? Oui, mais très marginalement, si l’on en croit le projet de loi présenté le 15 octobre dernier par le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, qui propose simplement d’augmenter le nombre de dérogations pour les commerces de détail situés dans les gares et dans les « zones touristiques à fort potentiel économique ». L’extension du travail du dimanche pose au moins deux questions : augmente-t-elle le bien-être collectif ? Est-elle créatrice d’emplois ?

Le bien-être retiré par chacun du temps libre n’est pas indépendant de ce que font les autres. Daniel Hamermeshet Daniel Halberg ont montré que les couples adaptent leurs horaires de travail, quitte à supporter des pertes de pouvoir d’achat, pour disposer de plages horaires leur permettant de passer du temps libre en commun. Il apparaît aussi que le degré d’implication dans des activités associatives est lui-même positivement influencé non seulement par le propre temps libre de chacun, mais aussi par le temps libre des autres. Sans règles précises, en dehors de quelques cercles restreints, il est probable que la majorité des individus aient des difficultés à se coordonner sur des loisirs pris en commun ou sur des activités collectives. Dans cette perspective, une réglementation interdisant au moins partiellement le travail du dimanche peut se justifier.

Des emplois à la clef?
D’un autre point de vue, l’extension des horaires d’ouverture pourrait se traduire par une hausse de la demande globale de travail et donc in fine par des créations d’emplois ou une augmentation des heures travaillées. Les études empiriques portant sur quelques expériences étrangères confirment ces prédictions (voir les travaux de Artus et al., pour une description détaillée de ces études). Ainsi, jusqu’en 1985, le Canada vivait sous le régime de la « Loi sur le dimanche » qui faisait du dimanche le jour de repos de la semaine. Mais, en 1985, la Cour Suprême a jugé que cette loi était inconstitutionnelle au motif qu’elle violait le principe de liberté de conscience et de religion inscrit dans la Charte canadienne des droits et libertés. A partir de cette date débute un processus de dérégulation de l’ouverture des commerces qui se stabilise en 1993. Mikal Skuterud a exploité les différences dans les dates et les modalités de la mise en œuvre de la nouvelle législation selon les municipalités pour apprécier l’effet de la dérégulation des horaires d’ouverture. Ses résultats indiquent qu’elle s’est traduite par une hausse de l’emploi dans le secteur du commerce de détail de l’ordre de 3,1% de l’emploi total de ce secteur, mais la hausse de l’emploi a pu être plus importante (jusqu’à 12%) dans certaines provinces les moins sévères sur de telles ouvertures. Il a aussi trouvé que la durée hebdomadaire de travail n’avait pratiquement pas varié.

Source: Lettre de la chaire Sécurisation des parcours professionnels (lire la suite)