Que faire face au « scandale » du chômage des jeunes – l’expression est de Jean-Hervé Lorenzi ? Les solutions proposées par le gouvernement actuel sont-elles à la hauteur de l’enjeu ?
 
Réunis à l’initiative de Jean-Hervé Lorenzi, titulaire de la chaire « Transitions Démographiques, Transitions Economiques », les meilleurs experts du marché du travail – de l’économiste Jean Olivier Hairault à l’ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, Raymond Soubie, en passant par la nouvelle déléguée à l’emploi et la formation professionnelle, Emmanuelle Wargon – et le ministre délégué à la formation professionnelle, Thierry Repentin, ont débattu le 8 octobre des politiques de l’emploi à destination des moins de 25 ans ; notamment, et très concrètement, des contrats de génération et emplois d’avenir que l’exécutif met en place actuellement.
 
Les premiers prennent la forme d’une aide de l’Etat (allègement de charges), lorsqu’une entreprise embauche un jeune, tout en maintenant un senior dans l’emploi, à charge pour ce dernier de « coacher » la nouvelle recrue. Faisant souvent part de leurs doutes sur l’efficacité du dispositif, les experts en approuvent, unanimement, la philosophie nouvelle : on ne décide  plus qu’un senior doit partir pour laisser la place à un jeune. Une conception pourtant ancrée dans la pratique, en France, selon laquelle il faut sortir les salariés âgés du marché du travail, afin de laisser la place aux autres. « Pour la première fois, on rompt avec cette stratégie qui a fait tant de dégâts », souligne Jean-Olivier Hairault, de la chaire « Transitions Démographiques, Transitions Economiques ».
 
Raymond Soubie, aujourd’hui PDG d’Alixio, cabinet de conseil en gestion des ressources humaines, approuve: «c’est une idée très forte. Enfin, on cesse de penser qu’il faut mettre les vieux dans un placard pour en sortir les jeunes ». Mais il nuance, s’agissant de la mise en œuvre concrète de ces contrats d’avenir : « il faut voir comment cela se passera dans la pratique. Souvent, les salariés seniors ne veulent pas être réduits à des tuteurs ». Professeur associé au sein d’Euromed management, membres de l’Association Nationale des DRH (ANDRH), Sylvie Brunet approuve : « les « vieux » ne sont pas tous capables de jouer le rôle de tuteurs, nous le savons tous ». Question de formation, et d’adéquation avec les jeunes. De ce point de vue, le dispositif sera assoupli, assure Emmanuelle Wargon. « Le tuteur pourra être un autre salarié que le senior dont l’emploi est maintenu ».
 
« Des instruments déconnectés de la réalité »
Certes, mais que faire quand l’entreprise ne comprend pas de seniors, ou presque, même contre sa propre volonté ? « Dans la grande distribution, les seniors nous quittent rapidement, la moyenne d’âge est de 37 ans », assure Jacques Creyssel, ancien responsable du Medef, aujourd’hui délégué général de la Fédération des entreprises du Commerce et de la Distribution (FCD). « Comment fait-on, alors? »
 
Quant aux emplois d’avenir, ce deuxième dispositif prévu par le nouveau gouvernement (150.000 postes réservés à des jeunes très peu qualifiés, pour lesquels est prévu un financement de l’Etat), « nous sommes les plus concernés, car nous pouvons former des jeunes rapidement… Mais nous ne sommes pas éligibles » déplore Jacques Creyssel. Et de conclure que les instruments proposés sont « déconnectés de la réalité ».
 
Ce n’est évidemment pas l’avis de Thierry Repentin, ministre délégué en charge de la formation professionnelle et de l’apprentissage. « Nous avons 450.000 jeunes qui se trouvent en dehors de tout accompagnement » déplore-t-il. Les emplois d’avenir seront effectivement réservés au secteur non marchand (communes, secteur associatif…) car celui-ci est plus adapté « à des jeunes pour lesquels il faut prévoir un véritable parcours de réinsertion. Ils doivent apprendre, tout simplement, à se lever le matin… ».
Raymond Soubie se montre philosophe : « j’ai été l’auteur des premiers contrats en faveur des jeunes. C’était en … 1977, avec  le pacte national pour les jeunes voulu par le premier ministre Raymond Barre. Ces contrats sont utiles, mais cela ne dure qu’un temps. »
 
D’autres innovations, telles que les écoles de la seconde chance, sont donc bienvenues, pour tenter mettre fin au « scandale » du chômage des jeunes. Cela peut contribuer à lever les «deux freins principaux au recrutement » soulignés par Sylvie Brunet : « la mauvaise adéquation des formations et la mauvaise connaissance qu’ont les jeunes du monde de l’entreprise ».
chapo
A l’initiative de la chaire « Transitions Démographiques, Transitions Economiques », les experts ont disséqué la politique de l’emploi en faveur des moins de 25 ans. Peut-elle mettre fin au « scandale » du chômage des jeunes ?