Assurances et catastrophes naturelles : le pire devient certain

Nous n’allons pas débattre ici des questions de réchauffement. Ni de calendrier Maya. Non. Mais d’un fait indéniable. Depuis que la notion d’assurance de catastrophes naturelles existe, la situation du Monde n’a jamais été aussi noire.  La preuve ? Les trois années les pires (entendre les plus coûteuses) en la matière sont : 2005, 2011 et 2012 ! Triste record…

L’an passé, le coût des catastrophes a été évalué à 186 milliards de dollars, dont 71 pris en charge par les assureurs. Et nombreux sont les réassureurs, à l’image de Swiss ré, à prédire le pire, soit à la suite de l’analyse scientifique – et alarmiste – de l’évolution climatique, soit, à cause de l’absence de gestion politique de la notion de risque, soit enfin – signe plus positif – grâce au progrès régulier des indemnisations, progrès plus rapide que le risque lui-même.
 

La fréquence des catastrophes n’est pas le seul facteur de coût

La probabilité de l’occurrence d’une catastrophe n’est pas égale à la probabilité liée à l’impact économique – ou humain – qu’elle représente. La multiplication des tempêtes exceptionnelles de ces dernières années pousse certains scientifiques à prédire un cycle de catastrophes naturelles plus nombreuses et surtout plus violentes dans les années qui viennent. Cela n’est « que » probable.
La croissance de la population mondiale, a entrainé une densification de la population dans de nombreuses zones à risque. Littoraux exposés aux inondations ou Tsunamis. Zones à fort risque sismique – la Californie du Sud en est le symbole. Ou certaines régions régulièrement balayées par des ouragans. Ces espaces sont aujourd’hui incroyablement bien plus peuplés qu’il y a cent ans.
Ainsi, même à fréquence – ou ampleur – comparable, les conséquences humaines et économiques d’une catastrophe naturelle sont aujourd’hui sans commune mesure avec celles du siècle passé. En d’autres termes, la progression constante du risque lié aux catastrophes naturelles pour les assureurs et les réassureurs est aujourd’hui une certitude. Cette certitude est d’autant plus grande que ces dernières années, la couverture du risque croît plus rapidement que le risque lui-même. En d’autres termes, les victimes sont de mieux en mieux indemnisées.Or, du point de vue de l’assureur, si le risque est certain et la couverture plus grande, il devient inévitable de le faire supporter par quelqu’un.

Partager le risque : une décision politique

Les travaux de recherche de nos interviewés mettent tous en exergue le même phénomène. Que cela soit pour les catastrophes climatiques, industrielles ou nucléaires, et même si les argumentations diffèrent, le montant de l’assurance ne peut aller que croissant. A qui, dès lors d’en supporter les conséquences ? A la communauté sans aucune distinction de probabilité, comme cela est le cas par exemple en France, pays où les assurés des zones à risque faible payent pour ceux des zones à risque élevé ?Cette mise en lumière probabiliste n’indique-t-elle pas que le temps est venu de prendre des décisions plus politiques ?

L’absence de décision est une décision

Les chercheurs qui consacrent leurs travaux à l’analyse du risque lié aux catastrophes naturelles nous permettent en tout cas de lever certains points d’ombre essentiels. Point d’ombre comme l’occultation de la notion de risque nucléaire dans le calcul du prix de l’électricité liée à l’atome. Ou encore la divergence d’intérêt flagrante entre élus locaux et nationaux face à la notion de risque lié aux catastrophes naturelles. La divergence d’intérêt entrainant l’absence de décision. L’absence de décision confortant le principe de mutualisation du risque. La mutualisation du risque limitant la prise de risque de ceux qui choisissent les zones… à risque, et ainsi de suite : le phénomène ne fait que croître, et le risque progresser.

La progression de la couverture ne doit pas être considérée comme une réponse à toutes les questions liées à la gestion des catastrophes naturelles. Elle peut même entraîner, par aléa moral, un acroissement du risque ! N’est-il alors pas temps de prendre des décisions plus politiques ?

 Guillaume Buffet
 

Catastrophes naturelles : les raisons d'une dérive financière

 
 Céline Grislain -Letremy est chercheuse au CREST et à l’Université Paris-Dauphine.  Elle décrit la dérive du coût des catastrophes naturelles à travers le monde. Une dérive largement attribuable à une inconscience généralisée des risques.
 
Le coût des catastrophes naturelles, pour les assureurs, ne cesse d’augmenter. A quoi peut-on attribuer ce phénomène?
En 2011, les catastrophes naturelles et celles liées à l’activité humaine (catastrophes industrielles ou actes de terrorisme) ont respectivement coûté 362 milliards de dollars et 8 milliards de dollars, à travers le monde. Sur ce total, 116 milliards sont revenus à la charge des assureurs (110 pour les catastrophes naturelles, 6 pour les catastrophes industrielles et actes de terrorisme).
On relève une augmentation du coût de ces catastrophes, naturelles et industrielles. On ne peut affirmer que le changement climatique est, à l’heure actuelle, à l’origine de cet emballement, dans le cas des inondations, par exemple. Ce qui provoque l’augmentation des coûts, c’est essentiellement la hausse du nombre et de la valeur des biens assurés situés dans les zones exposées. On construit de plus en plus dans les zones à risque : en Chine, on relève une grande concentration de la population près des grands fleuves (50% des habitants résident à proximité). La pression foncière peut contribuer à cette prise de risque croissante : quand l’usine AZF (qui a subi une explosion en 2001) s’est installée près de Toulouse, on ne trouvait pas d’habitation alentour ; la pression urbaine a fait que les constructions se sont peu à peu multipliées à proximité. En effet, l’attrait de certains territoires (vue sur la rivière ou le littoral, développement du commerce près des fleuves, emploi créé par les usines) peut largement dépasser les considérations de risque. La situation est particulièrement préoccupante lorsque, à ces forces, se joint une inefficacité du contrôle des risques. Une assurance très peu discriminante (par effet de la loi par exemple ou de l’imprécision des cartes de risque), ou une complaisance des maires dans l’aménagement du territoire, peuvent être à l’origine d’un accroissement exagéré du risque, et in fine du montant des dommages.
 
N’a-t-on pas défini des périmètres de sécurité?
Oui, cela été le cas en France dès 1810, où un décret a donné autorité au préfet pour définir un tel périmètre, en ce qui concerne les risques industriels. Aujourd’hui, les préfets ont toujours, théoriquement, un rôle important, pour définir des périmètres non constructibles dans les zones exposées aux risques naturels et industriels. Mais une place a été laissée à la concertation, et les maires, qui ont souvent intérêt à valoriser les terrains et à encourager le développement économique de leur commune, peuvent souhaiter assouplir les règles.
 
Peut-on constater un même phénomène ailleurs?
Ce phénomène, on peut le constater dans une très large majorité de pays. Les Chinois n’ont pas vraiment appris des expériences européennes et n’ont pas tiré les conséquences des catastrophes qui se sont produites sur le vieux continent. En Floride, 80% des actifs assurés sont massés près des côtes, dont certaines sont bien sûr à risques. En 1990, à l’échelle mondiale, 1,2 milliard de personnes vivaient à moins de 100 km du littoral et dans les 100 mètres au dessus du niveau de la mer, avec une densité dans ces zones trois fois supérieure à la densité moyenne mondiale. Depuis, les zones côtières continuent de connaître une concentration croissante de populations, logements et activités économiques, notamment autour des grandes villes déjà existantes mais aussi dans des petites villes ou des zones rurales. On peut considérer par ailleurs que presque toute la Californie est une zone à risque, en raison des phénomènes sismiques. De même, la concentration urbaine non contrôlée autour des usines augmente aussi dramatiquement le coût humain et économique des catastrophes industrielles, comme le rappellent les exemples d’AZF ou de Bhopal (Inde, 1984).
 
Du coup, qui assume le risque? Les particuliers qui tiennent à s’installer dans des zones potentiellement dangereuses? L’Etat?
Dans le cas des catastrophes naturelles, c’est la solidarité nationale qui joue. Cette solidarité est organisée via des mécanismes de couverture (assurance ou aides publiques), impliquant plus ou moins financièrement l’Etat. En France, a été mis en place un système spécifique, le régime des catastrophes naturelles, qui fait appel à une contribution de toute la population assurée au titre de ses biens (logements, bâtiments, automobiles). Les particuliers, entreprises et collectivités locales assurés paient tous pour ce risque, qu’ils soient exposés ou non, via une contribution obligatoire au régime “catastrophes naturelles”, qui s’ajoute à l’assurance multirisque habitation, à l’assurance multirisque entreprise ou collectivités locales et à l’assurance automobile. Cette contribution ne dépend absolument pas du risque pris, mais simplement du montant de la prime d’assurance « classique » (contre le vol, l’incendie…). Autrement dit, les assurés peu exposés paient pour ceux qui le sont beaucoup.
En revanche, dans le cas des risques industriels, les industries à risques sont responsables des dommages causés par leur activité. Les particuliers et entreprises installés dans les zones exposées augmentent ainsi directement les coûts supportés par l’industriel en cas d’accident.
 
 

Le système français d’indemnisation des catastrophes naturelles n’incite pas à réduire les risques

 
 Bertrand Villeneuve est professeur à l’université Paris Dauphine et directeur scientifique de la fondation du risque. Il souligne les limites du modèle français d’indemnisation des catastrophes: un système solidaire qui permet de couvrir les risques, mais sans incitation à les réduire.
 
Quelle est la logique de l’assurance « Catastrophes naturelles ». Comment peut-on l’analyser économiquement?
En fait, une logique d’assurance et de solidarité sont entremêlées. La logique d’assurance voudrait qu’une personne souhaitant habiter dans une zone à risque (d’inondation, par exemple), paie une prime de risque importante.  Elle peut résider dans une zone risquée, mais elle doit payer en conséquence, il n’y a là rien d’attaquable, on n’identifie aucun dysfonctionnement.  En France, le système ne fonctionne pas du tout comme ça. Quand les individus ne paient pas en fonction des risques qu’ils prennent –et qu’ils n’assumeront pas financièrement, s’il se matérialisent -, il y a distorsion, et c’est bien le cas en France. Les Français, pas toujours bien informés sur leur prise de risque, comptent en tout état de cause sur la solidarité.
 
Qui assume cette solidarité?
Tous les assurés, quel que soit leur lieu de résidence, à travers  une taxe identique sur leur contrat d’assurance habitation. Le niveau du risque n’est donc absolument pas pris en compte. Certaines personnes se disent sans doute qu’elles peuvent ignorer les dangers, sachant qu’elles disposent d’un filet de sécurité. La prise de risque peut être ainsi doublée ou triplée. Le système n’est donc pas efficace.
 
Comment pourrait-on le corriger?
Deux modèles idéaux, extrêmes, peuvent être envisagés, s’agissant de la gestion des catastrophes naturelles. Le premier est purement financier : les assureurs jouent alors pleinement leur rôle, en fixant un tarif dépendant du risque pris, qui dissuadera certainement bon nombre d’individus de s’installer dans les zones à problèmes. Le marché est appelé, là, à réguler le système. Le second modèle, c’est celui où la tarification a, au contraire, un poids marginal: c’est par la réglementation que l’on limite la prise de risque, en interdisant les constructions dans telle ou telle zone identifiée comme dangereuse.
En France, on n’a opté pour aucun de ces modèles. Le marché ne joue pas son rôle, puisqu’aucun signal prix n’est donné à travers la tarification (les catastrophes naturelles ne sont pas prises en compte en tant que telles par les assureurs, c’est le régime spécifique géré par l’Etat qui les couvre)  et la réglementation s’avère souvent défaillante : les maires, chargés in fine d’accorder les permis de construire, se trouvent souvent en situation de conflit d’intérêt. Eux-mêmes propriétaires, ils défendent souvent les intérêts des propriétaires, autrement dit la valorisation des terrains, qui passe par la contruction. C’est donc un système solidaire, ce qui comporte des avantages, mais qui n’incite pas assez à réduire les risques.
On l’a vu avec la tempête Xynthia, qui a été un choc, un révélateur aussi. A la fois de la réalité des risques et du mélange des négligences et des intérêts. En fait, ces chocs arrivent régulièrement ! Rappelons-nous des grands tempêtes aux Etats-Unis, des tsunamis en Asie.
Et les débats sont souvent sur les mêmes bases, dans les mêmes termes. Dans les grands risques, on connaît bien le risque de crue de la Seine à Paris. Comme la mort, on l’attend, on la redoute, et on la croit toujours lointaine.
 
Quelles seraient les mesures à prendre, donc, pour faire en sorte de réduire cette prise de risque?
Je crois que la géographie compte énormément, s’agissant des catastrophes naturelles. Disposer de cartes des risques très précises, voilà qui aiderait à développer l’information, et des décisions plus rationnelles. Il y  a un manque de maturité sur le marché de l’assurance en France, les assureurs ne savent pas toujours localiser les risques, ils pourraient ainsi progresser dans cette connaissance et mieux conseiller leurs clients. Aux Etats-Unis, les assureurs ont une connaissance beaucoup plus fine du terrain, des risques liés à la localisation des habitations.
Le problème, c’est qu’une telle carte deviendrait vite un outil politique. Et elle ne résoudrait pas les différends qui existent entre des préfets, voulant interdire largement les zones à risque, et les maires, qui veulent valoriser leur territoire et ne pas freiner la construction.
 

Les exploitants nucléaires doivent assumer le coût de leur risque

 
 Philippe Mongin est directeur de recherche au CNRS et professeur à HEC. Spécialiste du risque nucléaire, il estime que les exploitants devraient payer le prix de l’assurance correspondant à leur risque. Cela permettrait d’établir la vérité sur  les coûts de production de cette énergie, qui bénéficie aujourd’hui d’une subvention implicite de l’Etat, assureur en dernier ressort. La hausse du prix de l’électricité qui s’en suivrait ne serait pas nécessairement considérable, compte tenu de la faible probabilité d’un accident nucléaire
 
Quand a-t-on commencé à se préoccuper des catastrophes industrielles ?
Dès 1810, un décret impérial prévoit de règlementer les installations de logements à proximité des sites industriels. En 1917, une loi précise les choses dans la continuité du décret, et la notion d’installation classée apparaît beaucoup plus tard dans une loi de 1976. Depuis ce moment-là, ce sont les directives européennes (Seveso I, II, III) qui donnent le ton, et les lois ou règlements ne consistent souvent qu’à les transposer (ainsi avec les dispositions du Grenelle 2). Les installations dangereuses sont classées selon trois niveaux de risque. Au premier niveau, on n’impose aux entreprises qu’une simple déclaration. Aux deux autres niveaux, elles sollicitent une autorisation, qui, si elle est accordée, comportera des servitudes d’utilité publique dans le cas du troisième niveau.
 
Quel est le régime d’assurance des « catastrophes » industrielles ?
On considère que la nature n’est pas en cause, mais bien l’homme, et que le droit de la responsabilité civile s’applique alors. La solidarité nationale n’a pas à jouer, et c’est aux industriels de se protéger s’ils le désirent en s’assurant contre la responsabilité civile auprès des compagnies.
Cette assurance n’est pas obligatoire, mais elle est tout de même très répandue, ce qui crée une forme de mutualisation du risque. Les pouvoirs publics ont créé en 2003 (loi Bachelot) un régime d’assurance obligatoire des catastrophes technologiques, mais il ne modifie la situation qu’à la marge, car il vise seulement à procurer aux victimes des avances sur les dommages-intérêts qui leur viendront des industriels ou de leurs compagnies d’assurance.
 
Le risque industriel majeur, associé à des catastrophes naturelles, c’est l’accident nucléaire. Les techniques de l’assurance peuvent-elles permettre d’y faire face ?
C’est un risque très spécifique, que la France a toujours traité à part des autres. Le nucléaire civil a émergé tardivement, et il s’est alors trouvé lié au nucléaire militaire. Cette origine a laissé longtemps son empreinte sur les institutions – pensez au CEA des grandes années. Elle n’est pas indifférente aujourd’hui, s’agissant de la gestion du risque, de la transparence….
On peut dégager trois grands types d’accidents graves en matière de nucléaire civil. D’abord, une perte de refroidissement du cœur du réacteur, ensuite, un emballement de la réaction en chaîne (ce qui a lieu à Tchernobyl), enfin, une perte de confinement de la radioactivité. Ces accidents sont classés sur une échelle de gravité, et la France n’en a jamais connu qui excède les niveaux inférieurs.
Pour réduire plus efficacement le risque, la France a transformé le CEA en séparant de lui un organe de contrôle, l’Autorité de sûreté nucléaire, et un organe d’expertise, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Ces deux organes sont en outre indépendants des exploitants. Les évaluations complémentaires de sûreté que le gouvernement a requises après Fukushima ont mis en valeur le sérieux avec lequel ils opèrent.
 
Si un accident se produit, qui joue le rôle d’assureur?
En théorie, la solidarité n’a pas à jouer et les principes juridiques ordinaires s’appliquent, notamment celui de la responsabilité civile et le principe pollueur-payeur. Le problème est, évidemment, que le coût potentiel d’un accident est démesuré – d’après la Cour des comptes, entre 150 et 600 milliards d’euros pour les plus graves – ce qui rend le recours à l’assurance dérisoire.
Néanmoins, une convention internationale cherche à faire jouer au mieux l’assurance. Quand elle entrera en vigueur, l’exploitant sera responsable jusqu’à 700 millions d’euros, ensuite l’Etat national prendra le relais pour 500 millions supplémentaires, puis le pool de tous les Etats signataires couvrira les 300 millions suivants. Le montant limité de la première tranche n’est pas tel que l’exploitant ne trouve pas d’assurance.
Mais ces montants ne portent que sur les petits accidents. Au-delà du 1,5 milliards pris en compte par la convention, c’est l’Etat national qui interviendra, avec toutes les incertitudes que vous pouvez concevoir sur sa solvabilité.
 
C’est donc l’Etat qui est assureur en dernier ressort…
Oui, et il ne fait pas payer le prix de cette garantie. Il verse donc une subvention implicite aux exploitants nucléaires. C’est un argument mis en avant par les écologistes pour affirmer que le coût de production de l’énergie nucléaire est sous-évalué: il faudrait, selon eux, évaluer cette assurance et l’inclure dans les coûts du kWh. Cet argument n’est pas dénué de fondement. Il serait assez facile aux pouvoirs publics d’y répondre, car le coût actuariel des grands accidents est abaissé par leur faible probabilité, et c’est lui qui devrait fixer la valeur de la garantie apportée par l’Etat. En d’autres termes, si l’on fait le calcul, le kWh pourrait ne pas être augmenté de beaucoup.
 
Mais il faut savoir évaluer le risque…
A cet égard, deux approches s’affrontent. La première est déterministe ; elle vise à s’assurer que les conséquences d’un accident grave, de niveau donné, seront correctement maîtrisées. L’autre méthode est probabiliste ; elle consiste à établir des valeurs de probabilité pour divers accidents plus ou moins graves et à faire varier les mesures de sûreté en fonction des niveaux de gravité pondérée par ces valeurs. Les Américains ont été les premiers à faire place à l’approche probabiliste dans les années 1970, et elle gagne lentement du terrain en France, où la vision officielle reste cependant déterministe.
 
Que disent les évaluations selon cette méthode?
En France du moins, elles font apparaître de faibles probabilités, souvent de l’ordre de 1 millionième seulement. Le cas japonais est différent. Il semblerait que l’exploitant et les organes de contrôle aient sous-estimé la probabilité d’un séisme majeur par rapport à ce que les derniers travaux de géologie montraient. Or un séisme majeur était de nature à provoquer des accidents multiples, ce que l’exploitant n’avait pas réellement envisagé – rappelez-vous les désastres en chaîne survenus à Fukushima. En France, on ne peut pas exclure tout à fait des enchaînements de ce type, mais ils sont affectés d’une probabilité incomparablement plus modeste.