Brigitte Dormont
Responsable de la chaire santé
La dernière journée de la chaire Santé a été l’occasion d’un point d’étape sur les recherches récentes concernant la régulation de la santé. Les questions de l’espérance de vie subjective et des inégalités face aux soins ont notamment été abordées.
 
-Quel bilan pouvez-vous tirer de la dernière journée de la chaire Santé, le 19 décembre ?
Nous avons communiqué notamment sur les recherches en cours, dont le point de commun est de porter sur le thème général de la chaire, à savoir la régulation du système de soin. Marc Fleurbaey (université de Princeton) a fait le point sur ses recherches concernant la valeur de la santé et les préférences individuelles s’agissant de la santé. Un domaine fondamental, trop peu étudié, qui est déterminant pour le choix des technologies de soin.
 
-Vous avez vous-même communiqué sur vos travaux concernant l’espérance de vie subjective des individus ?
C’est là aussi un sujet fondamental, déterminant à bien des égards. L’enquête que nous avons réalisée avec Marc Fleurbaey montre que les individus sous-estiment leur espérance de vie, et que les femmes sont encore plus pessimistes que les hommes. Par rapport aux espérances de vie établies par l’INED en population générale, la sous-estimation atteint 9 ans pour les femmes. Nous avons mesuré aussi pour la première fois l’incertitude que connaissent les individus sur leur propre espérance de vie. Elle est d’une ampleur considérable, l’écart type de la durée de vie estimée étant proche de 10 ans. Avec des conséquences importantes sur les choix des individus, aussi bien en matière de soins que d’épargne: on voit par exemple que beaucoup choisissent de solder leur contrat d’assurance-vie par un versement en capital, car ils ne s’attendent pas à vivre longtemps, alors qu’une sortie en rente pourrait être plus avantageuse.
 
-Qu’en est-il des inégalités dans la santé ?
Alain Trannoy (AMSE, EHESS) nous a fait part de ses derniers travaux sur ce thème, sur l’origine des inégalités face à la santé. Il montre la faible part des comportements à risques dans l’explication des inégalités de santé en France (moins de 8 %) par rapport à d’autres facteurs que l’on peut qualifier de circonstances indépendantesde la responsabilité individuelle.
 
-Avez-vous abordé la question du système hospitalier ?
Oui, sous l’angle, là aussi des inégalités, et de l’information. On pouvait croire que la réforme de la T2A allait accroître la concurrence en qualité entre établissements, et par là même les inciter à augmenter la qualité des soins En fait, il s’avère que certains restent franchement à la traîne, et ne sont même pas certifiés. C’est le cas pour une proportion non négligeable d’hôpitaux, qui ne sont pas fermés pour autant. On voit là l’importance de la qualité de l’information : ceux qui ne savent pas peuvent recevoir des soins de qualité franchement inférieure.