L’économiste britannique Adair Turner a présenté « Reprendre le contrôle de la dette »*, le 13 avril dernier, à l’ILB. Cette version française, préfacée par Gaël Giraud, économiste en chef de l’Agence Française de Développement, est la traduction de son célèbre ouvrage intitulé « Between debt and the devil », publié en 2015 aux États-Unis et au Royaume-Uni. 

Dans ce livre, l’ancien président de l’Autorité des services financiers britanniques de 2008 à 2013, dresse un constat alarmant sur les dérives de la finance internationale, tout en livrant des recommandations concrètes pour éviter la répétition d’une nouvelle crise financière.

Les néoclassiques se sont trompés

En guise d’introduction de sa présentation, Adair Turner a indiqué certains chiffres éloquents : « Entre 1950 et 2007, le secteur financier est passé de 3% à 8% du PIB aux États-Unis. Sur la même période, la dette privée a bondi à 170% du PIB, contre 50%. C’est un objectif des néoclassiques qui estiment que la croissance du secteur financier permettrait une meilleure progression du PIB. »

Pourtant, la crise financière de 2008 est venue contredire la théorie néoclassique pour plusieurs raisons : « Premièrement, l’être humain et les marchés ne sont pas parfaitement rationnels. Deuxièmement, il règne deux fausse idées : les banques prêteraient les dépôts et elles financeraient les entreprises. En réalité, elles créent de la monnaie et du pouvoir d’achat pour financer majoritairement l’immobilier et refinancer des actifs existants plutôt que de nouveaux projets. Quand la bulle éclate, la crise laisse derrière elle du surendettement. Troisièmement, l’absence d’inflation ne permet pas de réduire le volume de la dette.»

Des réformes drastiques sont nécessaires

Pour inverser cette situation dangereuse pour l’économie, Adair Turner n’y va pas par quatre chemins et prône des réformes draconiennes : « Le ratio de fonds propres des banques (ratio de levier) doit augmenter et atteindre les 20% (NDLR : contre 8% aujourd’hui pour le ratio de solvabilité). Le contrôle des prêts immobiliers est à resserrer. La création d’économies moins dépendantes de l’endettement privé est nécessaire. Et les banques centrales doivent imprimer de la monnaie pour faire du financement monétaire direct. »

Quid de la Banque Centrale Européenne (BCE)?

Le financement direct est-il possible dans le cadre de la politique accommodante de la BCE consistant à racheter des obligations ? Adair Turner pointe les inconvénients de la zone euro : « Les dirigeants européens refusent que l’assouplissement quantitatif mené par la BCE soit du financement direct, afin de rester en conformité avec le mandat de la BCE. Le principal problème de la zone euro réside dans ses institutions, qui ne souhaitent pas de financements monétaires des déficits publics. Il y a qu’une seule banque centrale pour différents niveaux de déficits publics. En outre, la question de la répartition de ces éventuels financements se poserait entre les différents pays. »

Ce constat, qui fait froid dans le dos, est totalement exclu du débat électoral actuel en France. De quoi présager d’une nouvelle crise ?

Lord Adair Turner, « Reprendre le contrôle de la dette », préface Gaël Giraud, Les Editions de l’Atelier, 368 pages, 25 euros.